Urartu, est le nom donné par les Assyriens à la puissante confédération du Biainili, (Urartu en langue urartéenne). Le terme apparaît sous la forme Uruaṭri dans les inscriptions du roi d’Assyrie Salmanazar Ier (1274-1245) et se rapporte à un territoire situé en Anatolie orientale, associant hauts plateaux, sommets montagneux, quelques plaines et plusieurs centaines de lacs. Il est aussi, traditionnellement, nommé le pays de Naïri dans les sources cunéiformes du IIe millénaire avant notre ère.

Les sources

L'histoire de l'Urartu est essentiellement connue par les annales et les inscriptions royales assyriennes et urartéennes, mais aussi par une importante documentation épistolaire, qui fournit des informations sur la nature des relations, notamment diplomatiques entre les deux empires. Mais ce sont surtout, les fouilles archéologiques effectuées en Arménie, en Turquie orientale, en Iran du nord et dans une moindre mesure en Irak et en Géorgie, qui ont permis de considérablement améliorer nos connaissances sur le Biainili.   

L'État urartéen

Érigé en état  au IXe siècle, l’Urartu devient une puissance politique majeure, en mesure de rivaliser avec l’Empire néo-assyrien. D’abord centré sur le bassin du lac de Van, son territoire  couvre dès le VIIIsiècle, une zone allant de l’Anatolie orientale, au pourtour du lac d’Ourmia.  

L’organisation politique de l’État repose sur une alliance établie entre plusieurs clans fédérés autour d’une famille régnante. L’armée est au cœur de ce dispositif confédéral, et le roi est un chef de guerre qui conduit une politique militaire expansionniste, dont les gains territoriaux et les retombées économiques bénéficient au premier chef, aux grandes familles du royaume. Ces dernières tirent leurs revenus de vastes régions qu’elles administrent, et dont une partie des ressources est reversée à la couronne. La présence de plusieurs gisements métallifères permet le développement d’une métallurgie du bronze et dans une moindre mesure celle du fer. La maitrise des techniques métallurgiques favorise la production d’un armement d’excellente facture. De nombreuses armes ont été mises au jour par les archéologues : poignards, dagues, épées, pointes de flèches, canons d’avant-bras, braconnières, boucliers et casques. Les souverains urartéens mènent au combat plusieurs dizaines de milliers de fantassins et de cavaliers lourdement équipés, ils possèdent en outre, les cavaliers les plus redoutables du Proche-Orient ancien. 

Le triomphe de l'Urartu

Entre 830 et 743, l’Urartu s'organise en empire et devient très certainement  la plus importante puissance militaire du Proche-Orient. Il atteint son apogée et couvre un territoire considérable compris entre les rives sud de la mer Noire, les hautes vallées du Tigre et de l’Euphrate, le lac de Sevan et le lac d’Ourmia. 

En 858, Salmanazar III (858-824) mène une campagne militaire au nord de l’Assyrie dans un territoire encore nommé le pays de Naïri. La région est alors sous le contrôle d’Aramu d’Urartu (860 ?-844 ?), seigneur de la « mer de Naïri » (Lac de Van ?), une figure politique majeure qui a permis l’établissement d’un royaume urartéen à l’échelle régionale. En 832, on enregistre une seconde campagne de Salmanazar III contre Sarduri Ier d’Urartu (832 - 825). Les deux expéditions du roi d'Assyrie ne parviennent pas à empêcher la constitution d’un état centré sur la ville de Tushpa, (actuelle Van Kalesi, bords du lac de Van), toutefois, elles limitent, pour un temps, l’expansion du jeune État vers le sud, en le privant d’un accès à la Haute-Mésopotamie. 

Cependant, au IXe siècle, Ishpuini Ier (830/25-810/5) parvient à faire voler en éclat les états tampons, vassaux de l’Assyrie, et s’empare du pays de Muṣaṣir, tout en soumettant  le pays de Pershua et celui des Mannéens. Il étend les frontières de l’Urartu jusqu’au pourtour du lac d’Ourmia. Son fils et successeur Menua (805-788) poursuit l'offensive jusqu’aux portes la Syrie septentrionale et parvient à s'implanter dans les hautes vallées du Tigre et de l’Euphrate.

 Argishti Ier (787-766) inflige à son tour, de sévères revers à l’armée assyrienne. Profitant d'une crise politique en Assyrie, il lance une expédition militaire contre son rival, qui longe le lac d’Ourmia, puis qui rejoint la Mésopotamie par la vallée du Tigre, menaçant ainsi directement la ville d’Arrapha, centre administratif et politique majeur pour l'Assyrie. Certes, l’armée assyrienne contient cette formidable percée grâce au général Shamshi-ilu, le général-turtânu, mais, elle est désormais contrainte de pratiquer une politique défensive. 

La réaction assyrienne

L’Assyrie a certainement joué un rôle actif et déterminant dans la naissance de l’Empire urartéen. Par conséquent, face à son expansion, elle opte pour une stratégie à la fois militaire et politique et réévalue complétement son mode de domination dans la région. Les souverains consolident les frontières nord et y développent un réseau de fortins. Cependant, il semble qu'ils aient cherché surtout à éviter l'établissement d'une interface frontalière  entre les deux États, notamment en encourageant et en maintenant des États-tampons, entre les deux empires.

 En 743, les affrontements reprennent à l'initiative de l'Assyrie, Tiglath-Phalazar III (745-726) renoue avec une politique offensive et lance une série de campagnes militaires vers le nord. Il défait une première fois l’armée urartéenne sur le Haut-Euphrate; puis il détruit les établissements militaires urartéens en Anatolie du Sud et en Syrie du Nord. En 735, il effectue une seconde campagne et pénètre profondément en territoire urartéen, jusqu’à l’ancienne capitale Tushpa, qu’il échoue cependant à prendre. Tiglath-Phalazar III réussit à défaire Sarduri II (753-733), interrompant ainsi la dynamique d’expansion de l’Urartu. 

Bien que les armées d’Assyrie pénétrent en territoire urartéen et opèrent des percées remarquables, elles échouent quasi-systématiquement à prendre les citadelles urartéennes trop inaccessibles et nécessitant le recours à des techniques poliorcétiques plus élaborées. Par conséquent, elles se contentent de dévaster le territoire urartéen, soumettant, le plus souvent, de petites localités intermédiaires. Cette stratégie est partiellement efficace, car si les Assyriens nuisent au fonctionnement économique de l’Urartu, ils ne parviennent pas à obtenir une victoire décisive sur le terrain. 

Du statu quo des années 733-720, aux crises des années 719-713

Une relative accalmie

Les différentes stratégies mises en place de part et d'autre parviennent à instaurer un équilibre précaire entre les deux puissances. L'Assyrie achève de sécuriser les frontières septentrionales et à percer militairement en Syrie du nord et en Anatolie du sud, quant à l'Urartu, il étend durablement son influence dans la haute vallée du Tigre et les rives méridionales du lac d’Ourmia, tout en poursuivant une politique d'expansion en direction de l'Anatolie occidentale.

La crise manéenne

Désormais, ni l'Assyrie, ni l'Urartu ne sont en mesure de soutenir un conflit ouvert. D'ailleurs, à son avènement à la tête de l'Urartu, Rusa Ier ne tente pas d'intervenir en Anatolie du Sud ou en Syrie du Nord pour reprendre les  territoires perdus sous son prédécesseur Sarduri II. De son côté, au début de son règne, Sargon II ne peut pas empêcher l'irruption de son rival dans les affaires du pays mannéen, dont certains clans sont pourtant intégrés de longue date à la sphère d'influence assyrienne. 

Rusa Ier multiplie les tentatives afin d’établir fermement l’autorité urartéenne sur le pays des Mannéens et le pays de Muṣaṣir, tout en privilégiant un affrontement indirect avec l’Assyrie. Il utilise pour cela un réseau de vassaux dispersés sur l’ensemble du territoire. Il commence par renforcer la main mise urartéenne sur les rives du lac d'Ourmia, dont est originaire sa famille.