Colonie servile jusqu'en 1848, la société réunionnaise devient ensuite une colonie sans esclave, transformée en 1946 en département français. La logique d'organisation de son espace porte la marque de sa géographie insulaire et tropicale, ainsi que de son histoire et de sa sociologie coloniales.

Aménagements, édifications, équipements : contextes et dynamiques

Travaux d'infrastructures militaires, sanitaires, routières, édifications et constructions, moyens de communication, se développent au fil des périodes et de ce qui les caractérise sur le plan économique, social et politique, qu'il s'agisse de bâtiments publics, d'édifices religieux, d'équipements éducatifs, ou de grands travaux de communication. On voit également la création de diverses institutions dont les évolutions et développements sont à la fois à rapporter aux différents moments étudiés mais également aux dynamiques qui les organisent et les structurent. 

Socialiser, éduquer, instruire

La question de l'école est tout à fait illustrative de ces mouvements. Au début de la colonisation, la nécessité de disposer d'une organisation scolaire ne s'impose pas à Bourbon, colonie agricole, dépendante de l'Île de France, sa métropole régionale. Mais après le Traité de Paris (1815), la question scolaire se pose avec acuité car Bourbon connaît une nouvelle donne politique : l'île est désormais la seule colonie française de l'océan Indien. Les bouleversements sont également économiques, avec les débuts de la culture de la canne et les besoins d'une main d'œuvre formée. Enfin, la nécessité d'intégrer les Libres de couleur dont le nombre est en augmentation modifie en profondeur la société réunionnaise.

C'est dans ce cadre que prend forme et se met en place le projet scolaire colonial, avec deux dispositifs disjoints en fonction des clientèles sociales accueillies. C'est ainsi qu'est fondé, à Saint-Denis, le 24 décembre 1818, le Collège Royal de Bourbon. De 1815 à 1848, “Collège Royal” est l'appellation donnée au lycée, institution créée par le premier Consul en 1802. C'est une culture d'excellence payante, réservée aux seuls enfants de la bourgeoisie, exclusivement blanche pendant longtemps, qui est dispensée au Collège Royal, puis au lycée, par des professeurs dont les recrutements s'effectuent auprès des établissements parisiens les plus prestigieux. En 1817, quelques mois avant la création du Collège Royal, ont été ouvertes pour les enfants des indigents, blancs et de couleur, des écoles élémentaires. Ces écoles dispensaient une instruction gratuite mais limitée, pratique et à visée moralisatrice... Ce projet exclut, jusqu'en 1846, la scolarisation d’enfants esclaves.

Deux congrégations enseignantes sont sollicitées, les Frères des Écoles chrétiennes pour la scolarisation des garçons et les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny pour les filles. L'implantation, l'organisation et l'évolution de l'institution scolaire dans une colonie servile, puis post-esclavagiste, ne vont pas se faire sans contradictions, tensions, difficultés et crises avec comme enjeu absolu le contrôle de l'institution et de ses agents.

Quelques chiffres

Au début du XIXe siècle, la population servile compose jusqu’à 70 % de la population globale (62 000 esclaves deviennent affranchis le 20 décembre 1848). Ces rapports changent avec l’engagisme puisqu’en 1881, pour une population totale de 169 493, l’île compte 62 955 engagés (en majorité Indiens).