Trouver Larsa n'est pas chose facile. On abandonne la route asphaltée à Shatrah pour s'enfoncer vers l'ouest dans une zone parcourue en tous sens de canaux d'irrigation et de drainage ainsi que de levées de terre qui font du parcours une errance dans un labyrinthe. Au-delà, tout aménagement disparait et on roule sur la plaine monotone en direction du sud-ouest.

Une heure après avoir quitté Shatrah, on atteint la maison de fouille perdue sur l'immensité salée et stérile de la Basse Mésopotamie. Autour, tout est plat jusqu'à l'horizon, désert, sans arbre, sans arbuste, sans rien qui bouge. Seules des touffes éparses "d'herbe à chameaux" qui se satisfont d'une terre aride et saline parviennent à survivre sur cette horizontalité absolue, désolée, brûlée par le soleil et rabotée par les vents de sable. Ce vide donne une sensation de liberté illusoire. On peut partir en promenade à loisir, mais on est vite rappelé comme par l'élastique invisible d'un jokari gigantesque vers la maison, le seul endroit où se trouvent eau, nourriture et abri.

Vivre à Larsa, c'est aussi être à l'écart du monde. Le courrier peut mettre plusieurs semaines à atteindre la France ou venir jusqu'ici. Le dimanche 19 octobre 1989 par exemple, c'est à l'arrivée de Dominique Charpin que la mission apprit avec stupéfaction que le mur de Berlin était tombé dix jours auparavant au cours d'un formidable rassemblement festif de portée pourtant planétaire. À croire que Larsa est sur une autre planète.

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