Sa localisation et son histoire

À l’angle nord-est de la Bosra antique et médiévale se trouve le complexe appelé «Jâmi‘ al-Mabrak», qui occupe une place particulière parmi les constructions islamiques de la ville. Il est lié par des légendes aux premiers temps de l’Islam, et a de ce fait une histoire plus longue dans son développement architectural. D’après la tradition actuellement vivante, le Prophète Muhammad, jeune homme, est venu prier là au moment de son séjour à Bosra. Le nom de «Mabrak an-Naqa» c’est-à-dire «le lieu de l’agenouillement de la chamelle», évoque le moment où le Prophète a mis pied à terre ; il est mis en relation avec la pierre placée devant la niche de prière (mihrab) de la partie sud-ouest du monument. En effet, le bloc présente sur sa face supérieure des traces en creux comme en laissent des chameaux agenouillés sur le sable. Cependant, les auteurs arabes médiévaux ne mentionnent pas de chameau dans leur énumération des lieux de pèlerinages syriens. L’important pour eux était que Muhammad ait séjourné à Bosra et que le moine Bahîra lui ait annoncé son destin de Prophète. La position de la mosquée est en accord avec cette tradition : elle est la plus proche, en effet, de la «basilique de Bahîra». Le noyau du sanctuaire est une niche de prière qui a été construite contre un reste du rempart de la ville, peut-être dès l’époque préislamique. Une autre tradition, place là l’arrivée du premier Coran en Syrie, porté par une chamelle blanche. Ce lieu de prière, à l’origine à ciel ouvert, a été bientôt complété par une salle de prière qui a été ajoutée à l’est. Ici encore, on a utilisé pour le mihrab une niche à coquille et des colonnes remployées. Plus tard, on a tourné les arcs de cette pièce vers l’ouest et modifié l’accès au nord. Devant la première niche de prière à l’ouest, on a construit un mur écran. L’ancien mihrab reste cependant visible par une ouverture d’arc. D’après le style d’une inscription, ces transformations sont datables peut-être encore de l’époque abbasside (2e-4e/VIIIe-Xe siècle).

Développement architectural

Ce sanctuaire, jusque-là relativement modeste, a été agrandi d’une façon impressionnante lorsque le général Abû Mansûr Kumushtakîn, en 530/1136, a fait ajouter à sa face est une école coranique (madrasa). Le même maître d’œuvre a engagé, en 506/1112-1113 avec la reconstruction de la Grande mosquée et en 528/1134 avec la construction de la mosquée al-Khidr, une nouvelle organisation de la Bosra islamique. En construisant un institut supérieur juridico-théologique pour l’École de droit hanafite, il a suivi un courant de l’époque. À Alep et à Damas aussi, des souverains ou d’autres personnalités dominantes ont fondé de nombreuses madrasas.  Dans des phases ultérieures, le sanctuaire a été étendu encore davantage. Le toit de la petite salle de prière, située à l’est de la salle de prière originelle, qui se trouvait désormais placée au centre du complexe, a été surélevé. Plus tard, l’espace situé devant le mihrab ouest a été couvert également et les petites cours placées devant les deux salles de prière ont été restructurées (probablement au 7e/XIIIe siècle). Situé du côté ouest, le minaret, qui copie la forme du minaret de la Grande mosquée élevé en 618/1221-1222, a été sans doute construit à la même époque sur la base d’une tour d’angle du rempart antique. Le mur de séparation entre la salle de prière ouest de la mosquée Jâmi‘ al-Mabrak et la cour qui la précède est à dater de la période mamelouke (probablement 8e/XIVe siècle) avec son appareil en blocs aux couleurs contrastées et indentées autour du linteau. Le bon état de conservation du monument s’explique d’un côté par sa construction massive, de l’autre par le fait que la madrasa a servi au XIXe siècle de mausolée pour Muhammad Pasha, un des fils du vice-roi d’Égypte. Pour son monument funéraire, fut restaurée la coupole au-dessus de la cour, le sol des iwâns latéraux fut notablement surélevé et les murs intérieurs reçurent un nouvel enduit. Il faut aussi attribuer à cette restauration le décor en stuc du mihrab. La coupole avait déjà disparu entièrement au début du XXe siècle. De graves dégâts dans la construction furent réparés dans les années 1960. Une restauration systématique effectuée en 1986-1989 avec l’Institut archéologique allemand a de nouveau rendu possible l’utilisation de l’édifice pour le culte.