Zénobie, la « femme forte »

Zénobie jouit dans l’imaginaire occidental d’une image composite. Depuis Pétrarque et Boccace, qui l’ont popularisée en s’inspirant de la source antique la plus romanesque, l’Historia Augusta, elle est l’image même de la « femme forte », celle qui ajoute à ses vertus de femme et d’épouse les qualités de courage, d’audace et d’autorité attendues d’un homme. Du XVIe au XVIIIe siècle, où nombre de souveraines règnent sur de grands pays d’Europe, elle apparaît comme un modèle vertueux de la femme de pouvoir (l’inverse de Cléopâtre). Cette image se retrouve encore dans la littérature édifiante du XIXe siècle. Dans le courant du XVIIIe siècle, devenue héroïne d’opéra (pour la première fois chez Albinoni en 1697), elle suscite des passions qui nourrissent l’intrigue sans que la reine ne succombe, comme dans le Aureliano in Palmira de Rossini en 1813.

La figure romantique

La redécouverte de la ville de Palmyre à la fin du XVIIe siècle et les premières publications savantes à son sujet accroissent l’intérêt pour Zénobie. Un basculement essentiel s’opère à la fin du XVIIIe siècle, lorsque la vogue de l’orientalisme tire Zénobie vers des origines bédouines improbables, mais qui font rêver poètes, romanciers et peintres. En mars 1813, l’entrée de Lady Hester Stanhope à Palmyre telle une nouvelle Zénobie popularise à la fois le nom de la ville et celui de la reine-impératrice, qui deviennent l’un et l’autre des prénoms féminins en vogue.

L'égérie des luttes nationalistes

Cette image romantique se prolonge jusqu’à aujourd’hui où les nombreux romans qui lui sont consacrés en font presque immanquablement une princesse arabe devenue « reine de Palmyre », ce qu’elle ne fut jamais. Cette erreur initiale (qui remonte à Boccace) explique que certains fassent du conflit entre Zénobie et Aurélien non pas une lutte pour le pouvoir au sein de l’empire romain (ce qu’il fut), mais la révolte d’une femme indigène (voire d’un « royaume de Palmyre » qui n’exista jamais) contre le pouvoir romain. Ce qui, poussé à l’extrême par les tenants d’un nationalisme syrien intransigeant, fait de Zénobie la fondatrice d’un premier empire arabe se dressant contre le colonialisme romain.